Lettre ouverte à S.E.M le Premier ministre, Chef de Gouvernement:Notre école est bien malade à la mort, qu’en dit le PND ?

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Excellence Monsieur le Premier ministre,

Le Gouvernement dont vous avez la lourde charge de conduire les destinées venait de soumettre à l’approbation des deux chambres du parlement un projet de loi portant sur un plan national de développement (PND) 2022 – 2026. Il compte, a-t-on appris,  341 projets d’envergure et s’appuie sur six piliers stratégiques : le développement de l’agriculture, de l’industrie,  des  zones économiques spéciales, du tourisme, de l’économie numérique et de  l’immobilier. La ministre Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas qui a eu la charge de porter ce projet de loi au parlement a déclaré, à propos, que c’était « une production intellectuelle de haute facture made in Congo » qui visait une économie forte, diversifiée et résiliente pour une croissance inclusive et un développement durable irréversible ». Cerise sur le gâteau, elle a déclaré, la main sur le cœur, que le nouveau PND dit de ‘’deuxième génération’’ se veut une transposition de la vision politique du chef de l’Etat.

Après avoir suivi tour à tour la ministre Ingrid Ebouka Babackas, les deux chambres du parlement ont, à l’unanimité, approuvé ce projet de loi.

Excellence,

Un plan de développement ne peut qu’être, naturellement, à l’origine des chants d’allégresse dans l’ensemble des Congolais. Cependant, je m’abstiens de m’embarquer dans ce navire de crainte de céder à la tentation de la naïveté. Pour l’heure, je fais le saint Thomas et attends voir si la promesse des fruits suivra bien celle des fleurs.

A la vérité, le Congo n’est pas à son premier plan. Il s’est trouvé toutefois qu’à l’heure du bilan, l’on se rendait compte que le gouvernement ne s’était échiné qu’à poursuivre le vent. Ces paroles amères du président Jacques Joachim Yhombi Opangault en disent long quand il déclarait : « L’heure n’est plus aux discours, sauf quand les circonstances l’imposent ». En un mot ou en mille, il voulait dire que jusque-là, nous avions plus parlé que nous n’avions posé des actes. A l’occasion du cinquantième anniversaire de notre pays, le président Denis Sassou Nguesso enfonçait davantage le clou de l’amertume quand il déclarait : « Le maillon faible de notre action collective depuis 50 ans d’indépendance, est de n’avoir pas pu réussir, au plan économique et social, le peu que nous avons réussi sur le plan politique ». Il ne pouvait en être autrement à la lecture de l’image caricaturale que le président lui-même se faisait de ses collaborateurs, collaborateurs qu’il affirmait se vautrer dans les eaux boueuses des antivaleurs. Alors, il les appelait à la repentance par ces paroles : « Changez donc de mentalités. Laissez choir à jamais les mentalités d’assistés, de profiteurs, de personnes en quête perpétuelle de passe-droits et autres facilités. Adoptez des comportements nouveaux et dignes. Adonnez-vous désormais à la rigueur du gain mérité et non aux délices trop faciles et honteux de la magouille. Convertissez-vous à la religion du travail bien fait. Visez tous et pour tout l’excellence. Jetez bas la médiocrité, la tricherie et toutes les autres antivaleurs.

Je ne surprends personne en affirmant qu’en dépit de nos efforts multiformes, notre pays n’est pas encore, hélas, exempt de corruption, de concussion, de fraude, de détournement de deniers publics et d’autres actes tout autant répréhensibles que néfastes à l’accomplissement du bonheur collectif.

Ici, ce sont les gouvernants qui sont interpellés. Qu’il soit clair pour tous que le peuple ne veut pas et ne doit pas être conduit sur le « Chemin d’avenir » par des dirigeants sans scrupule ni vertu. De même que le peuple ne veut plus et ne doit plus être mené par des hommes qui ne donnent pas le meilleur d’eux-mêmes pour le servir ».

 En 2016, son ton fut plus martial. Il exhorta ses collaborateurs à créer la rupture d’avec tous ces comportements déviants. A l’observation, depuis toutes ces injonctions, personne n’a jamais été nommément mis à l’index et débarqué pour être reconnu comme empêtré dans les antivaleurs. L’on croit ainsi savoir que c’est dans de vieilles outres que l’on compte mettre ce vin nouveau qu’est notre PND national. Si ce n’est point cela, vous avez donc un défi avant toutes choses : convaincre l’ensemble des Congolais qu’en vérité, le vent de la repentance souffle puissamment et irrésistiblement dans l’ensemble de l’actuel gouvernement.

En sus de la charge de la preuve d’intégrité de votre gouvernement qui vous revient, il faut aussi que vous parveniez à prouver votre efficacité. Le peuple vous a cru dans les municipalisations accélérées par exemple. Aujourd’hui, qu’a-t-il récolté en retour ? Vous me parlerez certainement des aéroports construits dans tous les départements, des stades, des palais présidentiels qui ont englouti des centaines de milliards mais qui se trouvent être des opérations à somme nulle. Des plans qui pourtant avaient été en leur temps, soumis à l’approbation des parlementaires comme aujourd’hui. Vous comprenez aisément Excellence, pourquoi je suis encore dubitatif et me suis abstenu de succomber à la magie des mots de votre discours : ‘’Production intellectuelle de haute facture made in Congo’’ ‘’Plan de deuxième génération’’ ‘’Plan qui vise une économie forte, diversifiée et résiliente pour une croissance inclusive et un développement durable irréversible’’  … « Des mots qui ne sont que des mots » pour reprendre ainsi l’expression de François Mauriac !

Excellence,

Je n’ai rien compris au silence que vous avez observé au sujet de l’éducation dans ce PND. Pourquoi vous, ancien MEPSA n’aviez-vous pas réussi à incliner le cœur du gouvernement à considérer comme pilier stratégique, la victoire sur le marasme de notre système éducatif ? Quand le discours officiel nous apprend qu’il y a aujourd’hui un gap de près de 25000 enseignants, qu’aucun établissement secondaire de la république n’a ni laboratoire ni bibliothèque… ne pensez-vous pas que l’école est dans les profondeurs abyssales et qu’initier un plan de sortie d’une si pareille crise est une urgence nationale de premier ordre ? A propos des enseignants, il faut dire que si l’on fait du désengorgement des salles de classe à effectifs pléthoriques un souci et que l’on consente à construire de nouvelles salles pour s’y résoudre, il va de soi que le gap en question serait deux ou trois fois supérieur à l’actuel. Vous connaissez mieux que quiconque la question et je ne vous crois pas contredire Jacques Georges Dantan qui déclarait : « Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple ». Un plan de développement sans l’éducation, sans prendre en compte les ressources humaines, est-ce bien raisonnable ? Non Excellence ! La promotion d’une éducation de qualité pour tous est une urgence nationale. C’est d’ailleurs l’Objectif de développement durable n° 4 des Nations Unies qu’il nous faut atteindre en 2030. A propos, qu’avons-nous déjà fait et qu’est-ce qui nous reste à faire, selon quel chronogramme ?

Excellence, ne fermez pas les yeux pour ne pas voir : l’école est malade à la mort; elle est bien dans les profondeurs abyssales et mérite un véritable Plan Marshall, je veux dire Plan Collinet Makosso. A moins que vous vouliez nous dire à demi-mots : « Mes chers compatriotes, l’Etat-providence est bien mort, que chacun prenne soin de l’éducation de ses enfants ». On connaît l’antienne : ‘’Chacun pour soi, Dieu pour tous »

Excellence, mes pieds sont bien dans l’eau. Que personne ne vienne m’accuser de soulever la poussière dans le seul but de vous exciter malicieusement à me vouer aux gémonies sans cause.

Je reste votre très obligé et veuillez trouver ici, Excellence, toute l’expression de ma très haute considération.

Par Lazare MPIA MBI