LE POUVOIR POLITIQUE EN AFRIQUE DEVENU HEREDITAIRE ?

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Mahamat Deby Itno, est à la tête du Tchad depuis la mort de son père, le président Idriss Deby Itno mort au front. Adoubé par un Conseil militaire, ce dernier dirige l’État tchadien dans une sorte de transition monarchique qui ne dit pas son nom. Ce n’est pas la première fois qu’un fils de président succède à son père, chef de l’État en Afrique dans des conditions loin d’être démocratiques. Et ce n’est sans doute pas la dernière. Faure Gnassingbé (Togo), Ali Bongo (Gabon), avant Joseph-Désiré Kabila (RDC), sont aussi passés par là. Bien que le Tchad soit actuellement secoué par la rébellion et l’insécurité dans le Sahel, la succession du père par le fils était-elle la meilleure solution ? Les stratégies de succession ne devraient-elles pas être strictement conformes aux constitutions ?

La plupart des constitutions des pays africains prévoient que lorsqu’un chef d’État décède en cours de mandat, son Vice-président ou le Président de l’Assemblée nationale assure l’intérim jusqu’à la tenue des nouvelles élections. Malheureusement, lorsqu’un pays se trouve confronté au cas du décès d’un dirigeant en cours de mandat, la gestion de la succession devient plus complexe et difficile. Certains pays Africains ont géré la succession mieux que d’autres.

Certes, le Tchad actuellement est un Etat fragile (rébellion,  insécurité au Sahel), ce qui rend donc complexes les défis auxquels ce pays est confronté et cela demande des propositions de solution plus holistiques qui tiennent compte non seulement de la dimension sécuritaire, mais aussi de l’État de droit, de la démocratie et des libertés des citoyens. Une prise de pouvoir par un militaire autre que le fils, tout en étant indéfendable, n’aurait pas donné un signal quelque peu différent ?

C’est ce qui a été le cas pour la Centrafrique lorsque l’ancien chef d’État, Michel Djotodia était tombé en 2014, un consensus a été trouvé et une transition gérée par une civile, Mme Catherine Samba Panza. Cette transition  a permis à ce pays de connaître une stabilité et d’organiser des élections inclusives et crédibles. Même cas pour le Burkina-Faso lors de la chute de  Blaise Compaoré en 2014 ou encore au Mali après que  le président Amadou Toumani Touré ne tombe en 2012.

Tous ces pays étaient confrontés aux menaces sécuritaires multiformes, mais ce qui a permis de tenir, c’était non pas la transmission du pouvoir du père au fils, mais plutôt le consensus qui s’est développé pour que la transition soit gérée par une personnalité neutre, impartiale et surtout à même de faciliter l’enracinement de la démocratie et l’exercice des libertés.

Quand la République devient héréditaire

Généralement, les successions de père en fils se déroulent dans le contexte de pays qui ne sont pas démocratiques dans leur fonctionnement réel, même lorsqu’ils le font formellement. Ce sont des pays où les pratiques politiques se caractérisent par une totale concentration du pouvoir dans les mains du président.

Cela implique qu’une fois la disparition du président, sa famille, son clan, détient tous les instruments, tous les moyens de conserver le pouvoir et accessoirement les ressources. Les successions de père en fils sont le reflet des pratiques politiques réelles caractérisées par l’absence de démocratie et d’État de droit. Dans les pays où, l’État de droit s’est un peu plus installé, où il y a quelques institutions indépendantes et un peu plus de respect pour la constitution, il est forcément beaucoup plus difficile d’avoir un fils qui devient président lorsque son père décède en dehors de tout processus démocratique.

Malheureusement, tous ces exemples se trouvent en Afrique francophone. Ce qui nous pousse à une interrogation plus approfondie par rapport à la pratique de la démocratie et au respect de la constitution dans ces pays-là, car pour bon nombre d’observateurs « La succession de père en fils est un processus de la « françafrique » utilisé par la France pour maintenir le statuquo dans ses rapports avec les colonies.  » puisque toutes ces scènes de succession de père en fils se passent dans cette partie de l’Afrique francophone.

Les successions dynastiques semblent encore plus tentantes en Afrique centrale.

Le scénario du pouvoir qui s’hérite d’un père à un fils en Afrique, s’est produit dans beaucoup de pays principalement en Afrique centrale où, les fils qui ont hérité du pouvoir – en bénéficiant de la hiérarchie militaire – se sont imposés ensuite par des élections (manipulées) et se sont installés pour longtemps. C’est le cas de Faure Gnassingbé au Togo (Afrique de l’Ouest) qui est toujours au pouvoir, alors que son père avait passé 38 ans à la tête du pays ou encore Ali Bongo.

Malheureusement, aujourd’hui en Afrique, il y a encore des pays où la tentation de succession monarchique se fait sentir. D’autres fils et filles de présidents prennent du galon. Le président Paul Biya est au pouvoir depuis plusieurs décennies. Là aussi, on peut penser qu’un scénario de succession de père en fils ne soit impossible. Son fils Franck Biya, fait de plus en plus parler de lui. En Guinée équatoriale par exemple, Teodorin Obiang Nguema est aussi dans les starting blocks pour une succession qui semble déjà acquise. En Guinée, le fils d’Alpha Condé, Alpha Mohamed Condé, fait couler de l’encre pour des rumeurs d’ambitions présidentielles que certains lui prêtent.  Au Gabon, le fils d’Ali Bongo, et petit-fils d’Omar Bongo, Nourredin Bongo.

Par ailleurs, l’Afrique a aussi perdu des présidents en exercice au Nigeria, au Ghana, au Malawi et tout récemment en Tanzanie, et dans aucun de ces pays de tradition anglo-saxonne, ils n’ont pensé aux fils pour remplacer leurs pères. Ces cas de succession sans heurts après la mort d’un dirigeant, prouvent que l’Afrique réussit peu à peu ses transitions. La succession peut souvent poser problème même dans les démocraties stables et développées, car il s’agit de pouvoir politique.