Lettre ouverte à Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement : « Pour un nouveau et bon départ du Congo, changeons de paradigme »

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Monsieur le Premier Ministre,

Une salve d’applaudissements a été entendue, ai-je appris, à l’écoute de la nouvelle du choix porté sur vous par le président de la république en qualité de premier ministre.

Est-ce là la digne louange des esprits avisés qui voient en vous la fourmi tant attendue qui vient pour inscrire le Congo enfin sur le registre des pays en marche ou l’œuvre de vils génuflecteurs ? Faute d’éléments d’appréciation, je ne saurai le dire, aussi jugé-mieux d’attendre  voir si la promesse des fruits suivra bien celle des fleurs.

Monsieur le Premier Ministre, en m’interdisant tout comportement moutonnier rien que pour vous plaire, je  veux bien vous éviter d’être emporté par les vagues de l’océan du narcissisme. Une anecdote ! J’avais un enseignant qui jamais n’avait su porter la mention ‘’Très bien’’ ‘’Excellent’’, ‘’Bon travail’’ sur nos devoirs. Même quand l’élève méritait 20/20, il s’arrangeait à lui trouver un motif sur sa copie et lui soustraire un point avec la mention ‘’Peut mieux faire’’. Au total, aucun élève n’avait pu s’enfler d’orgueil et tous couraient toujours derrière la performance sans jamais y parvenir. Je crois que vous me voyez venir !

Monsieur le Premier Ministre, vous le savez mieux que moi mais il n’empêche que je me permette de vous le dire davantage. Depuis son accession à l’indépendance et sans contredit, le Congo était mal parti. Reprenez la lecture du discours d’investiture du président de la république d’août 2009 et vous verrez comment il dénonce sans sourciller la corruption, la concussion, la fraude, le détournement des deniers publics et bien d’autres actes aussi répréhensibles que néfastes à l’accomplissement du bonheur collectif. Les agents pathogènes de cette « dérive morale qui gangrène notre société » sont, reconnaissait le chef de l’Etat lui-même, les gouvernants que lui-même nomme aux différentes fonctions d’État mais qui malheureusement se révèlent en dernier ressort « des hommes qui ne donnent point le meilleur d’eux-mêmes pour servir le peuple ». Vertement et ouvertement, il avait voulu ainsi, dans une sorte de mea culpa, reconnaître que le mal du Congo en premier, c’est l’incapacité de nommer l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Pour un bon et un nouveau départ du Congo, la seule question à résoudre, c’est de trouver l’homme providentiel en qualité de Manager. Il n’en manque pas. Comment s’y faire ?

Depuis, et disons-le sans gants, le critère de nomination est la base tribale ou politique et non l’expérience et la bonne moralité. Il y a lieu de lire en ce sens le discours d’investiture du président de la république en 2016. Et ceux à qui la confiance a été faite en qualité de Manager ont tous œuvré à creuser la fosse commune dans laquelle gisent aujourd’hui OFNACOM, Hydro-Congo, CHACONA, SOTEXCO, ONLP, LINA Congo, SIACIC, UTS… L’on devrait éprouver une sérieuse allergie comme Méka à l’entente du bruit d’une semelle de cuir quand, plus de 50 ans après notre indépendance, on doit se complaire à faire appel aux étrangers pour diriger nos entreprises à l’exemple du CFCO hier et le CHU aujourd’hui.

Comment trouver l’homme qu’il faut aujourd’hui ? En faisant abstraction de toute propension à l’ethnocentrisme, l’engagement à nommer aux hautes fonctions vous acculerait à lancer un appel à candidature pour tout poste à pourvoir. Tout candidat accompagnerait son dossier avec une lettre de motivation. Aujourd’hui, à la SOPECO par exemple, il y a une grogne qui atteste que l’actuelle DG n’est plus en odeur de sainteté avec ses agents. Manquerait-il un cadre-maison pour relever ce défi ?

Monsieur le Premier Ministre, lancez un appel à candidature et demandez aux travailleurs, en toute transparence de voter l’homme qui, en  leur âme et conscience, les convaincrait au regard de son plan d’action pour la bonne marche de leur entreprise. C’est si simple ! Non ? Qu’il en soit de même au CHU, au CFCO et partout ailleurs. Ne leur imposez plus des hommes, changez de paradigme nous vous en prions, en toute humilité.

Monsieur le Premier Ministre, dans son discours d’investiture de 2009, le président de la république disait avoir, à la faveur de ses nombreuses rencontres avec les populations pendant les derniers jours qui ont précédé l’élection présidentielle, pris directement la mesure de leurs attentes renouvelées. Ainsi, s’exprimait-il : ‘’Vous m’avez dit…’’ ‘‘Vous m’avez aussi dit votre désir profond de … ‘’Vous avez insisté sur…’’ avant de conclure : ‘’Vos souhaits et exigences ainsi exprimés constituent sans nul doute, les principaux enjeux du septennat qui s’ouvre ce jour. Ayant bien pris la mesure de ces enjeux… j’ai élaboré le projet de société (…) en réponse à votre forte demande’’.

Ainsi est édictée assurément une précieuse méthode de gouverner : être à l’écoute du peuple pour prendre des mesures qui soient de nature à répondre à ses attentes. A la primature où vous voici établi, il serait souhaitable que vous multipliiez les rencontres avec les populations pour mieux prendre directement la mesure de leurs attentes renouvelées et ne faites point acception de personne. Mon vœu le plus ardent serait de vous voir instruire votre secrétariat pour qu’il vous soit donné d’avoir personnellement connaissance des courriers qui vous seront adressés et que vous soyez seul à en faire la censure. Je le dis pour n’avoir pas obtenu la moindre suite favorable à toutes les demandes d’audience que je vous ai adressées alors que vous étiez MEPSA.

Réalisant qu’en qualité de MEPSA vous n’aviez aucun intérêt à proscrire un échange de vues avec une association à caractère socioéducatif qui se prononce pour la promotion de l’éducation de qualité pour tous, j’ai cru comprendre que seul un excès de zèle de votre secrétariat m’avait rendu inéligible. Pour sûr que je rebondirai sur la question en votre qualité de premier ministre, permettez que votre nouveau secrétariat s’interdise de faire acception de personnes dans le traitement du courrier. Le président de la république a dit hier qu’il plaçait sa gouvernance « sous le signe de la responsabilité partagée, de l’initiative accrue (…) tant les  défis sont immenses et les enjeux considérables ». Parlant ainsi, il s’engageait à « ne laisser aucune énergie disponible en marge et appelait « chacun à jouer sa partition pour peu qu’elle contribue à la réalisation de l’harmonie et du progrès recherchés ».

Combien sont-ils qui aient, dans l’anonymat et sans ambition politicienne, des pierres à apporter pour l’édifice de notre Congo commun ? Ils sont légion. Laissez-leur vos portes ouvertes et prenez bien de la peine à les écouter. Ce ne serait point du temps perdu. « Le couturier qui habille la femme mariée le fait pour la seule gloire de son mari » dit le proverbe. Croyez-moi que c’est le gouvernement en dernier ressort qui sera honoré si en toute humilité vous faites vôtres les contributions citoyennes des uns et des autres. Le chef de l’Etat a dit que jusqu’à ce jour, « le maillon le plus faible de notre action collective c’est de n’avoir pas pu faire sur le plan économique et social, ce que nous avons réalisé sur le plan politique » (voir allocution prononcée lors du 50ème anniversaire de l’indépendance). En un mot ou en mille, cela veut dire que nous nous sommes plus donnés à la parlotte qu’à l’action. Arrêtons tous avec nos discussions sur le sexe des anges et donnons-nous des moyens de bâtir le Congo ensemble sans esprit de ladrerie. A vous d’en imprimer le rythme ! Sortez des sentiers battus !                 Que sonne l’heure d’un nouveau et bon départ pour notre pays !

Humblement vôtre !

Par Lazare MPIA MBI